đ Que cherche Ă dire lâenfant Ă travers sa violence ?
đ„ Violence : une pulsion archaĂŻque ou une souffrance silencieuse ?
On a tendance Ă penser que la violence est une âanomalieâ, une dĂ©rive inquiĂ©tante du comportement. Pourtant, les scientifiques montrent que lâagressivitĂ© fait partie de notre hĂ©ritage humain.
Autrement dit, nous sommes tous âprogrammĂ©sâ avec un fond de pulsions agressives.
Mais heureusement, avec le temps, les sociĂ©tĂ©s ont dĂ©veloppĂ© des moyens pour canaliser cette violence : familles, Ă©coles, lois, rituels, sanctions⊠Aujourdâhui, ces structures agissent comme des âfilets de sĂ©curitĂ© psychiqueâ.
đ¶ Et chez lâenfant, Ă quoi sert lâagressivitĂ© ?
đŒ Le cĂ©lĂšbre pĂ©diatre et psychanalyste Donald Winnicott propose une vision rĂ©confortante : lâagressivitĂ© chez lâenfant nâest pas forcĂ©ment un signe de danger, mais de vitalitĂ©.
âUn enfant qui frappe, câest souvent un enfant qui cherche Ă exister, Ă entrer en relation.â
Prenons lâexemple de LĂ©o, 4 ans, qui pousse ses camarades Ă la crĂšche. PlutĂŽt que de dire âLĂ©o est mĂ©chantâ, on peut se demander :
- A-t-il besoin dâattention ?
- Est-il en train de tester les limites ?
- Est-ce sa maniĂšre de dire quâil se sent dĂ©passĂ© par ce quâil vit ?
Winnicott va plus loin : la violence est parfois une maniÚre de demander un cadre, un adulte qui puisse tenir bon, poser des limites fermes mais rassurantes.
đ§ Quand la violence devient un cri de dĂ©tresse
Dans la clinique pĂ©dopsychiatrique, on rencontre des enfants dont la violence nâest pas juste un comportement, mais un symptĂŽme.
Voici quelques exemples issus de situations réelles (anonymisées) :
- Johnny (14 ans) : ballottĂ© dâun parent Ă lâautre, nĂ©gligĂ©, frappé⊠Il se met en colĂšre violemment, se cogne la tĂȘte contre les murs, ment, vole. Sa violence est une rĂ©ponse Ă Â des annĂ©es dâinstabilitĂ© affective.
- Matthieu (12 ans) : harcelĂ© Ă lâĂ©cole, en grande souffrance scolaire. Il parle de se suicider ou de tuer ceux qui lâinsultent. Sa violence est une maniĂšre de reprendre du pouvoir lĂ oĂč il se sent impuissant.
- Martin (9 ans) : obsĂ©dĂ© par des idĂ©es noires, persuadĂ© dâĂȘtre en guerre contre des esprits. Il menace ses camarades avec des objets. Ici, la violence prend une dimension presque dĂ©lirante, et rĂ©vĂšle une immense dĂ©tresse psychique.
Ces enfants ne vont pas bien âdedansâ, et leur violence est un langage, mĂȘme si dĂ©rangeant.
đ Culture, identitĂ© et dĂ©calages
Marie-Rose Moro, pédopsychiatre spécialisée en psychiatrie transculturelle, nous rappelle que certains enfants vivent entre deux mondes :
- La culture de la maison (souvent issue dâun autre pays, dâautres valeurs),
- Et celle de lâĂ©cole, du pays dâaccueil, parfois en dĂ©calage complet.
âĄïž Ce tiraillement culturel peut devenir une source de tension, dâincomprĂ©hension, voire de violence.
đ Exemple : Joseph, 10 ans, rĂ©fugiĂ©. Ă lâĂ©cole, il ne supporte pas le moindre imprĂ©vu. Ă la maison, il fugue. Il vit un choc culturel, un mal-ĂȘtre profond liĂ© Ă son passĂ© migratoire et Ă ses repĂšres perdus.
đŹ Et maintenant, que faire ?
La violence dâun enfant nâest jamais Ă prendre Ă la lĂ©gĂšre, mais elle ne doit pas non plus ĂȘtre simplement punie ou rĂ©primĂ©e.
Voici quelques clés pour mieux accompagner :
- Ăcouter derriĂšre les actes : que cherche-t-il Ă dire ?
- Travailler en rĂ©seau : psychologues, enseignants, Ă©ducateurs, familleâŠ
- Poser un cadre stable : les limites ne sont pas une punition, mais une protection.
- Explorer les blessures profondes : attachement, traumatisme, prĂ©caritĂ©, migrationâŠ
- Inclure la culture : comprendre le rĂ©fĂ©rentiel familial et culturel de lâenfant.
𧩠Parfois, une aide spécialisée (évaluation psychologique, neuropsychologique, voire médicamenteuse) est nécessaire.
đĄ Conclusion : Et si on regardait autrement ?
Un enfant violent est souvent un enfant en trop plein, un enfant qui nâa pas les mots, ou plus dâautres moyens pour dire son mal-ĂȘtre.
Changer notre regard, câest dĂ©jĂ une premiĂšre rĂ©ponse thĂ©rapeutique. Câest lui dire :
đ âTu nâes pas un problĂšme. Tu es un ĂȘtre humain, en train de demander de lâaide.â
De Plaen, S. (2017). Lâenfant violent : Quelques considĂ©rations pĂ©dopsychiatriques. Filigrane. Ăcoutes psychanalytiques, 26(1), 41â54. https://doi.org/10.7202/1041690ar