Aujourd’hui, on entend souvent : « C’est normal, il est ado… »
Comme si ce mot expliquait tout. Comme s’il suffisait à justifier chaque tension, chaque conflit, chaque incompréhension.
Mais dans ma pratique, je vois autre chose.
👉 Oui, l’adolescence est un passage complexe.
👉 Mais elle sert aussi, parfois, d’explication trop rapide.
👉 Et surtout : elle réveille quelque chose chez les parents.
Parce qu’on l’oublie souvent : l’adolescence de votre enfant coïncide avec un moment charnière de votre propre développement identitaire.
Et cela change tout.
🔍 L’adolescence, c’est une transformation… pas un dysfonctionnement
Un adolescent qui s’oppose, qui se cherche, qui teste les limites… ce n’est pas anormal.
C’est même sain.
L’adolescence, c’est un remaniement identitaire profond.
Le jeune construit son “qui je suis”, “qui je veux être”, “qui je ne veux surtout pas être”.
Il bouge, il questionne, il s’affirme.
C’est normal. C’est nécessaire.
Mais ce mouvement vient toucher quelque chose en vous.
Et c’est là que les choses deviennent intéressantes.
🧩 Pendant que l’ado change… le parent se transforme aussi
Entre 35 et 50 ans, beaucoup d’adultes vivent une phase discrète, souvent mise de côté, parfois niée, mais très réelle.
On l’appelle “crise de la quarantaine”.
En réalité, c’est un passage identitaire.
Un tournant.
Un moment où l’on se demande :
« Qu’est-ce que j’ai construit ? »
« Suis-je encore utile ? »
« Où je vais maintenant ? »
« Est-ce que je suis encore la même personne qu’il y a dix ans ? »
Pendant que votre adolescent se sépare,
vous, vous vous réévaluez.
Deux identités en pleine réorganisation.
Dans la même maison.
En même temps.
Tu imagines la puissance de la collision ?
🎭 Ce que l’adolescent réveille chez le parent
Un ado qui s’éloigne, ce n’est pas seulement un enfant qui grandit.
C’est aussi un rôle parental qui change.
Et ce changement peut réactiver beaucoup de choses :
👉 la peur de perdre le contrôle,
👉 la sensation d’être moins utile,
👉 la fatigue accumulée,
👉 la question du sens,
👉 l’impression que le temps file,
👉 l’intégrité narcissique qui se fragilise.
Ce n’est pas l’ado le problème.
C’est ce que son comportement réveille à l’intérieur.
📚 Erikson en arrière-plan : deux stades qui se croisent
Erik Erikson, un des grands noms de la psychologie du développement, explique que chaque âge a son “défi identitaire”.
Et devine quoi ?
🧠 L’ado vit : Identité vs Confusion des rôles
Il cherche sa place.
Il teste.
Il se différencie.
❤️ Le parent vit : Générativité vs Stagnation
Il se demande ce qu’il transmet.
Ce qu’il laisse.
Ce qu’il devient.
Les deux passages se croisent.
Les deux passages s’influencent.
Et parfois, ils se blessent.
Pas par mauvaise intention.
Par simple résonance.
⚠️ Le danger d’accuser “l’adolescence” trop vite
Quand on dit :
« Il est insupportable parce qu’il est ado. »
On oublie un élément clé :
❌ L’adolescent n’est jamais seul dans la relation.
❌ L’adolescent n’est jamais seul dans la dynamique.
❌ L’adolescent n’est jamais seul dans le bouleversement.
Il est en transformation.
Et vous aussi.
Le conflit n’est pas toujours “entre vous et lui”.
Il est souvent “entre vous et ce qu’il réveille en vous”.
🪞 Le vrai travail parental commence ici
Regarder votre adolescent, oui.
Mais regarder ce qu’il active en vous… c’est indispensable.
Posez-vous simplement trois questions :
Est-ce que je réagis à son comportement,
ou à ce que son comportement déclenche en moi ?
Est-ce que sa prise d’autonomie me fait peur ?
Est-ce que je me sens moins important, moins utile, moins reconnu ?
Ces questions ne jugent pas.
Elles ouvrent la porte.
Elles permettent de comprendre.
Elles apaisent.
Parce qu’on ne peut pas accompagner un adolescent
si on ne voit pas aussi
ce que l’adolescence fait résonner en soi.
🌿 Rencontrer son ado, c’est d’abord se rencontrer soi-même
L’objectif n’est pas d’être un parent parfait.
C’est impossible.
L’objectif, c’est de devenir un parent conscient.
Un parent qui sait que, parfois,
la difficulté n’est pas l’adolescent…
mais le miroir qu’il tend.
Et quand ce miroir devient visible,
la relation change.
Le dialogue commence.
L’apaisement devient possible.
📚 Source :
Erikson, E. H. (1968). Identity: Youth and crisis. W. W. Norton.